L’agriculture et la production d’énergie renouvelable se rencontrent dans une approche innovante : l’agrivoltaïsme. Cette pratique, qui combine la culture agricole ou l’élevage avec l’installation de panneaux solaires sur une même parcelle, suscite un vif intérêt en France et dans le monde. En permettant une double utilisation des terres, l’agrivoltaïsme répond à des enjeux climatiques, économiques et alimentaires. Mais comme toute technologie, elle présente des atouts majeurs et des défis à relever. Voici une analyse complète des avantages et inconvénients de l’agrivoltaïsme pour mieux comprendre ses implications.
Qu’est-ce que l’agrivoltaïsme ?
L’agrivoltaïsme désigne l’association d’une production agricole (maraîchage, viticulture, élevage, etc.) et d’une production d’électricité via des panneaux photovoltaïques sur une même surface. Contrairement aux centrales solaires classiques, qui occupent des terrains sans activité agricole, les installations agrivoltaïques sont conçues pour préserver, voire améliorer, la production agricole tout en générant de l’énergie verte. Les panneaux peuvent être installés sous forme d’ombrières surélevées, de structures fixes ou mobiles, ou encore intégrés à des serres.
En France, cette pratique connaît un essor rapide, avec environ 200 projets recensés par l’Ademe. Une étude publiée dans la revue Nature estime que si 1 % des surfaces agricoles mondiales étaient dédiées à l’agrivoltaïsme, la demande mondiale en électricité pourrait être entièrement couverte. Cette synergie entre agriculture et énergie renouvelable s’inscrit dans un cadre réglementaire renforcé, notamment avec la loi APER de mars 2023, qui impose que l’activité agricole reste prioritaire.
Avantages de l’agrivoltaïsme
Protection des cultures et résilience climatique
Les panneaux solaires créent un microclimat favorable aux cultures en modulant l’exposition au soleil, la température et l’humidité. Ils réduisent l’évapotranspiration, limitant ainsi les besoins en irrigation de 20 à 30 % dans certains cas. Cette protection est particulièrement précieuse face aux aléas climatiques croissants, comme les sécheresses, les canicules ou les épisodes de grêle. Par exemple, des cultures comme les vignes, les fruits rouges ou les légumes bénéficient de l’ombre partielle, qui atténue le stress thermique et hydrique, favorisant des rendements plus stables.
Amélioration du bien-être animal
Dans les systèmes d’élevage, les panneaux solaires surélevés offrent des zones d’ombrage pour les animaux, réduisant leur stress thermique, notamment en été. Les moutons, bovins ou volailles profitent d’un environnement plus confortable, ce qui peut améliorer leur productivité, leur santé et la qualité des produits (lait, viande). Les installations, souvent clôturées, protègent également les animaux contre les prédateurs.
Diversification des revenus pour les agriculteurs
L’agrivoltaïsme génère des revenus complémentaires via la vente d’électricité, l’autoconsommation ou la location des terres à des énergéticiens. Les loyers peuvent atteindre jusqu’à 5 000 € par hectare et par an, sur des baux de 30 à 40 ans, offrant une stabilité financière face aux fluctuations des marchés agricoles. De plus, les agriculteurs peuvent réduire leur facture énergétique en utilisant l’électricité produite pour leurs besoins (irrigation, chambres froides).
Contribution à la transition énergétique
En produisant une énergie renouvelable, l’agrivoltaïsme réduit les émissions de gaz à effet de serre. Une centrale de 10 MW peut éviter l’émission de 5 000 tonnes de CO₂ par an. Comparé aux cultures dédiées aux biocarburants, comme le colza, l’agrivoltaïsme est jusqu’à dix fois plus efficace en termes d’énergie produite par hectare, sans nécessiter d’intrants chimiques intensifs.
- Protection contre les aléas climatiques : grêle, sécheresse, gel.
- Revenus complémentaires : loyers ou vente d’électricité.
- Optimisation des terres : double usage sans artificialisation massive.
- Résilience agricole : microclimat favorable et meilleure gestion de l’eau.
Inconvénients de l’agrivoltaïsme
Impact sur les rendements agricoles
Les panneaux solaires réduisent le rayonnement solaire, en moyenne de 30 %, ce qui peut affecter les cultures héliophiles comme les céréales. Ces cultures, qui nécessitent une forte exposition au soleil, peuvent voir leurs rendements diminuer. En revanche, des cultures tolérantes à l’ombre, comme les légumineuses ou les framboises, s’adaptent mieux. Le choix des cultures et des territoires (sols, climat) est donc crucial pour minimiser cet impact.
Coût initial et complexité technique
La mise en place d’une installation agrivoltaïque représente un investissement important, estimé à environ 1 million d’euros par MWc. Bien que les coûts soient souvent pris en charge par des énergéticiens dans le cadre de la location de terrains, la maintenance et le démantèlement des installations ajoutent une charge financière et logistique. De plus, l’adaptation des équipements agricoles pour travailler sous les panneaux peut compliquer les opérations.
Risques pour la biodiversité et les sols
Les travaux d’installation (chemins d’accès, poteaux, clôtures) peuvent perturber les écosystèmes locaux et entraîner une artificialisation partielle des sols. Si les projets ne sont pas bien conçus, ils risquent de compromettre la biodiversité ou de détourner l’usage des terres agricoles vers une production énergétique prioritaire, au détriment de l’agriculture.
Acceptabilité sociale et paysagère
Les installations agrivoltaïques peuvent modifier le paysage, suscitant des réticences parmi les riverains. L’impact visuel des panneaux, même atténué par des haies ou des aménagements, peut affecter la perception des territoires ruraux. Une concertation avec les communautés locales est nécessaire pour garantir l’acceptation des projets.
Comparaison des impacts agrivoltaïques
Aspect | Avantages | Inconvénients |
---|---|---|
Production agricole | Protection des cultures, meilleure résilience climatique | Réduction des rendements pour certaines cultures héliophiles |
Économie | Revenus complémentaires, réduction des coûts énergétiques | Coût initial élevé, maintenance complexe |
Environnement | Réduction des émissions de CO₂, meilleure gestion de l’eau | Risques pour la biodiversité, artificialisation partielle |
Perspectives pour l’agrivoltaïsme
En France, le cadre réglementaire s’affine pour garantir que l’agrivoltaïsme serve l’agriculture avant tout. Le décret d’avril 2024 impose que la production agricole reste l’activité principale, avec une baisse de rendement limitée à 10 % et une surface non exploitable n’excédant pas 10 % de la parcelle. Ces mesures visent à éviter les projets « alibis » qui privilégieraient l’énergie au détriment de l’agriculture.
Les avancées technologiques, comme les panneaux bifaciaux ou les ombrières intelligentes pilotées par IA, optimisent la coexistence entre production énergétique et agricole. Des projets pilotes, comme ceux menés par INRAE ou la ferme de Cossé-le-Vivien, montrent des résultats prometteurs, avec des rendements agricoles améliorés et une meilleure valorisation des terres.
L’agrivoltaïsme représente une voie d’avenir pour concilier sécurité alimentaire, transition énergétique et résilience climatique. En choisissant des cultures adaptées, en impliquant les acteurs locaux et en s’appuyant sur un cadre réglementaire clair, cette pratique peut transformer le paysage agricole tout en répondant aux défis environnementaux. Pour les agriculteurs, c’est une opportunité de diversifier leurs activités tout en participant activement à un futur plus durable.